Syndicats, ne diffuser pas vos tracts et publications n’importe où, n’importe quand.
lundi 31 janvier 2022
Tout change, parce que rien ne change ? Les publications et tracts de nature syndicale peuvent être librement diffusés aux travailleurs de l’entreprise dans l’enceinte de celle-ci. Cette diffusion s’effectue aux heures d’entrée et de sortie du travail. Qu’en est-il ?
JURISPRUDENCE SOCIALE
Cour de cassation 5 janvier 2022 pourvoi n° 20-15.005
QUESTIONS DE DROITS
La Cour de cassation a eu à nouveau l’occasion de se pencher sur la question qu’elle croyait bien arrêtée, pleinement clarifiée, de la communication syndicale et notamment sur la distribution de tracts… Et pourtant, le diable est à nouveau dans les détails…
En effet, dans cette affaire, un système d’horaires variables a été mis en place dans l’entreprise avec une plage d’horaires variables allant de 11 h 30 à 14 h. Selon l’employeur, la distribution de tracts ne pouvait absolument pas être effectuée pendant cette plage variable, qui correspond à la pause déjeuner et non aux heures d’entrée et de sortie du travail.
Or, un délégué syndical a distribué des tracts un jour à 12 h 15. L’entreprise l’a alors empêché de poursuivre ladite distribution et a réclamé le retrait d’une pochette du panneau d’affichage du syndicat, contenant des tracts pouvant librement être retirés par les salariés.
Le syndicat a ensuite assigné l’entreprise aux fins de faire acter par un juge que les heures d’entrée et de sortie de la société étaient celles mentionnées dans l’accord d’entreprise sur l’organisation du temps de travail. En s’opposant, la société a exercé à son encontre des moyens de pression discriminatoires.
La procédure s’est poursuivie en appel notamment où les juges ont déclaré l’entreprise coupable de discrimination à l’encontre du syndicat. Les juges ont apprécié que la distribution de tracts avait été effectuée pendant la plage d’horaires variables allant de 11 h 30 à 14 h de l’accord d’entreprise. Cette plage « variable » définit un laps de temps au cours duquel le salarié peut choisir ses heures d’arrivée et de départ.
Dès lors, le fait que le délégué syndical ait été empêché de poursuivre sa distribution de tracts s’avérait effectivement discriminatoire.
L’employeur invoqua que les autres syndicats respectaient les règles de diffusion des tracts et qu’il n’y avait donc pas de discrimination.
La question de droit posée était donc la suivante : En cas d’horaires variables, les tracts peuvent-ils être distribués en entreprise dans la plage horaire dans laquelle les salariés peuvent librement leurs heures d’arrivée et de départ ?
ÉCLAIRAGES
La Cour de cassation confirme la décision des premiers juges et rejette le pourvoi de l’entreprise.
FONDEMENT JURIDIQUE
le raisonnement se fait en deux temps.
Le juge rappelle dans un premier temps les dispositions de l’article L. 2142-4 du code du travail selon lesquelles :
« Les publications et tracts de nature syndicale peuvent être librement diffusés aux travailleurs de l’entreprise dans l’enceinte de celle-ci aux heures d’entrée et de sortie du travail. »
Or, en l’espèce, la distribution de tracts litigieuse a été effectuée par le délégué syndical pendant la plage d’horaires variables prévue par accord d’entreprise, dans les limites de laquelle chaque salarié peut choisir ses heures d’arrivée et de départ.
L’employeur ne démontrait pas davantage avoir adressé à un autre syndicat la même demande de retirer des panneaux d’affichage syndicaux dans les mêmes tranches horaires…
DROITS EN ACTIONS
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Outre l’argument sur lequel la Cour de cassation, après les juges du fond et sur le même fondement ; cet arrêt mettait également en exergue la discrimination fondée sur la différence de traitement liée à l’appartenance à un syndicat, laquelle prévaut sur un éventuel manquement du syndicat.
Le syndicat ne pouvait en effet pas distribuer ses tracts pendant la plage horaire litigieuse mais cette interdiction n’avait pas été évoquée à l’encontre d’autres syndicats.
Discriminez, il y aura toujours matière d’en trouver le fondement d’une condamnation, si la fin ne se préserve pas des moyens …
Service Juridique – SECTEUR JURIDIQUE NATIONAL UNSA, BAGNOLETAuteure : Kelly EMMANUEL – Juriste, Service juridiqueUne question, une précision ou un avis,Retour ligne automatique
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